La Fille de la Buissonnière by Lyliane Mosca

Auteur:Lyliane Mosca [Mosca, Lyliane]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: De Borée
Publié: 2017-04-19T22:00:00+00:00

Les Parisiens

Avril avance en douceur et en giboulées, ce qui réjouit les salades et chagrine les arbres fruitiers.

– Les fleurs coulent, on n’aura point de cerises cette année, regrette Joseph, en observant le bigarreautier, les mains sur les hanches.

Marianne, qui profite d’une éclaircie pour étendre le linge dehors, ne répond pas. Les cerises, c’est bien le cadet de ses soucis. Voilà une semaine qu’elle n’a pas rencontré Patrice, ce qui la rend morose, inquiète, envahie de doutes. Troublée par des sentiments mélangés, elle repasse en boucle son dernier tête-à-tête avec le jeune ingénieur. Il a aimé visiter la grange au Chêne, son repaire. Il a apprécié ses créations, les caressant avec une certaine volupté. Il l’a encouragée à continuer, et même à exposer.

– Je connais des galeries à Paris, tu verras.

Il l’a regardée dans les yeux, a souri, beaucoup. Mais il ne l’a pas prise dans ses bras. Oh, comme elle aurait voulu se blottir contre sa poitrine, lui caresser les cheveux, lui dire sa flamme. Et recevoir des baisers et les mots d’amour attendus. Mais non.

Que se passe-t-il dans la tête du beau Parisien ? Ce cœur bat-il pour une autre femme ? Elle chasse cette idée. C’est impossible, il semble si heureux près d’elle.

C’est samedi et, tout en se rendant chez Ygor pour poser, elle se torture en cherchant des explications. Elle souffre de cette situation équivoque où les sentiments semblent flotter en la narguant, sans vouloir s’installer là où on les attend.

Quelques nuages s’étirent dans le ciel brumeux et l’air, chargé des odeurs de prairies, de vaches et de lilas, agit soudain sur la jeune fille à la façon d’un remède doux et euphorisant. Il est peut-être simplement timide, son Patrice. C’est ça, tout fanfaron qu’il paraît aux yeux des autres, il n’est pas bien hardi…

Elle sourit en traversant le village. Évite le groupe de commères réunies sur la place, mais ne peut échapper à Aline, en train de nettoyer les vitrines de la boulangerie.

En la voyant, la commerçante s’approche de la route et, le regard mauvais, lance :

– Traînée, va ! Cours vite te déshabiller devant le Russe.

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